Quand le conte délivre une simple philosophie !
Contes des sages du désert
Les dinars de Youssef
Youssef était bédouin et courageux à la tâche. Un bon jour d’une bonne année, par bonne pluie et bon soleil, sa moisson lui avait rapporté des centaines et des centaines de dinars. Ne sachant trop qu’en faire et craignant qu’on les lui vole, il alla à la ville pour les placer à la banque. De derrière ses lunettes, le banquier lui sourit et lui dit.
Monsieur Youssef, non seulement vos dinars seront à l’abri des voleurs, mais en plus ils vous feront des petits,
comme gens ou bêtes font des petits.
Comment ? Quoi ? Cet argent est propre et vient de mon ouvrage !
Certes. Mais je peux le faire fructifier.
Comment une pièce d’un dinar peut-elle produire des fruits comme l’épi ou l’arbre ?
Cela est mon affaire : je prends, je place, j’échange, je gagne et vous aussi.
Je ne veux pas gagner. Je veux seulement protéger mon argent.
Mais demain, vous pouvez avoir besoin d’argent.
Cela ne regarde que Dieu. Si j’en ai trop, qu’Il me fasse partager. Si j’en ai trop peu, qu’Il m’envoie la pluie et j’aurai de quoi vivre grâce aux moutons.
Extrait de Contes des sages du désert, Paul André, Seuil